Serge Paoletti, portrait d’un homme de coeur
[ 11-08-2017 ]

En cette matinée de Fête Nationale, j’arpente les allées de l’hôtel dans lequel mon invité m’a donné rendez-vous.

Méticuleusement alignés en cohorte et tirés à quatre épingles, les véhicules soigneusement estampillés aux couleurs de l’équipe cycliste me font l’honneur de leur haie improvisée… Les mécaniciens s’affairent aux derniers ajustements et l’intendance s’active aux précieux détails qui conditionnent la course vers le bon, le meilleur, comme pour éviter tout autant le mauvais sort.

C’est sur le perron de l’établissement que je retrouve Serge PAOLETTI, ostéopathe DO MROF.

Les traits sont tirés, les yeux sont encore quelque peu ensommeillés. « la nuit a été courte, il y a de la casse ! ». Mais la poignée de main est ferme, l’accolade généreuse et le sourire tout aussi radieux.

C’est autour de son énième café que je demande à Serge de bien vouloir me raconter sa vie ostéopathique avec le cyclisme… Plutôt « quelques bribes tellement il y a de choses à dire… ».

Quand on le lance sur le sujet, c’est « 25 ans de carrière dans cet univers » qui resurgissent, vingt-cinq années de souvenirs et de partages.

Ecouter Serge : c’est apprendre, c’est s’enrichir !

Le regard s’éclaire, il accompagne le soleil et son œil s’illumine.

« J’ai mis les pieds dedans par hasard » avoue-t-il modestement : une rencontre dans son cabinet savoyard avec un coureur professionnel, devenu manager maintenant, qui lui a fait confiance avant de lui demander de l’aider. Les racines sont là et le virus n’a jamais été éradiqué ! « ça me fait vibrer ! »

Serge surveille le passage de sa « troupe ». Il doit intervenir sur l’un de ses membres « bien cabossé ».

Alors, il est à l’affût de sa venue vers le réfectoire pour l’interpeler.

Ses journées au sein du team sont « rythmées par les événements de course, les demandes de contributions par les coureurs, le staff… surtout le soir et parfois le matin avant que les coureurs ne quittent l’hôtel ».

Maintenant, Serge est plus sédentaire qu’auparavant. « Je fais hôtel/hôtel… les interventions sur la course ne sont l’apanage que des médecins de course ».

Le Tour de France reste une épreuve bien particulière, il « partage cette mission avec un autre confrère ostéopathe », également DO MROF, et « préfère se consacrer aux stages de préparation ».

Tel un élaborateur de projet, sa discrétion et sa modestie en font un homme de l’ombre mais ô combien précieux… Chacun a sa place dans l’équipe ! Sa chambre étant « mon cabinet itinérant, c’est ma place, mon pré carré, mon lieu d’intervention ». Le secret de la réussite est avant tout une bonne organisation.

Il retrouve le team « 45 à 50 jours par an comme stipulé contractuellement » et entretient de très bonnes relations avec l’ensemble des intervenants médicaux et paramédicaux.

« Le fait que nous soyons une équipe étrangère nous épargne des débats corporatistes présents dans les équipes françaises… » Serge n’est pas un homme de conflit, son regard se navre de telles polémiques.

Sa voix se teinte de quelques trémolos à l’évocation des coups de cœurs dans sa carrière… Ce n’est pas d’un seul événement remarquable dont il aimerait parler car « il y en a plein ».

Mais, Serge spontanément, évoque la mémoire d’Andrei KIVILEV décédé en course, et celle de Michele SCARPONI dont le décès cette année « nous a tous affectés car c’était un gars extraordinaire »…

Très vite, il enchaine sur les « chemins de vie partagés avec Yann KIRSIPU, Alexander VINOKOUROV (manager du team ASTANA) » avec un « épisode particulier lors de sa chute sur le Tour de France ayant entrainé des lésions graves sur ses deux genoux… »

Des relations d’Hommes, encore et toujours, avec Rodolfo MASSI, Jacky DURAND…

Quand Serge « se lâche » à évoquer ses souvenirs, il sait, tel un bon paternel, exiger en retour, le même respect qu’il honore. « Il y en a qui ne sont pas très sérieux » dit-il posément, « qui ne faisaient pas bien le métier et qui étaient exigeants… ». Mais en règle générale « les coureurs pour beaucoup, sont respectueux de notre travail et même s’ils sont caractériels, au besoin, on les recadre quand l’arrogance s’en mêle ! »

C’est dit !

Maintenant, « pratiquer au sein d’un team cycliste professionnel ne s’improvise pas ».

« J’aime le cyclisme » se plait-il à répéter.

« Il faut aimer ce sport, sinon on ne fait qu’une ostéopathie basique sans passion ! » et il martèle : « comprendre le geste, la fonction, la physiologie, … »

« Cela fait 25 ans que je suis dans le vélo et je ne comprends pas tout encore… »

Tel un enfant émerveillé, il est toujours aussi admiratif en constatant « que les gars font des efforts aussi énormes, à en avoir mal, et que le lendemain ils réitèrent leurs exploits… »

« Ces gars ont une physiologie hors norme ! »

Bluffé Serge ? Peut-être, mais néanmoins très lucide…

A celui qui veut se lancer dans le grand bain professionnel sportif, Serge ne saurait trop conseiller de rappeler que la « maitrise technique est essentielle et qu’en plus d’être ultra précis, le geste doit être efficace immédiatement… Tu ne demandes pas à un coureur d’attendre 48 heures pour que ta technique fasse enfin son effet ! »

« C’est Action/Réaction ! »

Et le « sorcier » d’assener que « toute la palette technique doit être connue et maîtrisée, elle est indispensable...Aucune technique n’est mauvaise, elles sont toutes bonnes quand elles sont utilisées à bon escient ! »

Jakob, apparaît. Malmené depuis 48 heures. Serge s’enquiert de la qualité de sa nuit. Il lui a réservé son temps avant le départ du jour. Les obligations reprennent. Très vite, le temps est compté pour lui comme pour chaque membre du team.

A bientôt Serge ?

« Je ne sais pas, chaque année, je me dis que ce sera la dernière sur le Tour… Alors je ne sais pas à quand…on verra si je serai là l’an prochain… Tant que ça me fait vibrer… ! »

Quand on a du mal à se défaire de sa passion, c’est qu’on doit être un homme de cœur, indubitablement !!

 

Christophe Couturaud, vice-président du R.O.F.