L'interview de Jean-Marie GUEULLETTE
[ 19-05-2014 ]

La popularité de l’ostéopathie est un fait incontestable et alors que se poursuivent les travaux de refonte de la réglementation de la formation en ostéopathie, vient de paraître aux Presses Universitaires de Rennes “L’ostéopathie une autre médecine”. A travers cet ouvrage préfacé par le Pr Yves Matillon, Jean-Marie Gueullette essaie de comprendre ce qui différencie, parfois jusqu’au conflit, médecins et ostéopathes, et ce bien au delà de la polémique sur l’existence des preuves d’efficacité ou d’inefficacité thérapeutique.      

Pour le Registre des Ostéopathes de France, Jean-Marie Gueullette (JMG) a accepté de répondre aux questions de François Ottavi Ménager (FOM).

FOM :
Qu’est ce qui vous a amené à vous intéresser à l’Ostéopathie ?

JMG :
Médecin de formation, j’ai fréquenté l’ostéopathie en tant que patient depuis la fin des années 80, mais sans me poser tellement de questions. Je crois que ce sont les études de deux de mes neveux qui ont déclenché le questionnement, lorsqu’en les écoutant j’ai pris conscience de la radicale différence entre nos formations. J’ai commencé à me documenter, j’ai lu A.T. Still et j’ai été invité à participer à la rédaction du code de déontologie de la Fédération Française de l’Ostéopathie (FFO) en 2010, ce qui m’a mis en relation avec des ostéopathes de styles différents, et Emmanuel Roche, ostéopathe DOMROF, m’a invité à participer à des stages de formation continue, ce qui m’a permis, à ma grande surprise, d’entrer dans une expérience personnelle de perception ostéopathique. Cette perception me fascine car elle ne ressemble à rien de connu, et me laisse bien démuni pour tenter de la décrire. J’ai eu l’impression d’aborder sur un nouveau continent, par l’expérience sensible, ce qui pour un intello est très déstabilisant !

FOM :
Pourquoi avoir choisi d’aborder l’ostéopathie sous cet angle (alors que de part votre cursus par exemple d’autres voies étaient possibles) ?

JMG :
En voyant les difficultés de relation entre les institutions médicales et l’ostéopathie, j’ai assez vite été convaincu qu’elles ne sont pas limitées à des questions professionnelles et corporatistes. Il m’a semblé évident, en particulier par la comparaison des formations, des méthodes de diagnostic, du type de relation thérapeutique, que médecins et ostéopathes sont fondamentalement différents, tout en ayant des bases communes. Ils emploient par exemple les mêmes mots, comme diagnostic ou palpation, mais en leur donnant des sens très différents : l’idéal pour susciter un dialogue de sourds ! Mon propos, dans la comparaison patiente, et aussi rigoureuse que possible entre les deux démarches, n’est donc pas de raviver des tensions qui ont tendance à s’apaiser sur le terrain, mais de donner à comprendre qu’il n’y a pas concurrence, mais profonde différence et complémentarité entre les deux professions. J’ai voulu aussi mettre en valeur les questions radicalement nouvelles, et parfois très difficiles que pose l’ostéopathie : qu’est-ce que la visualisation ? Quel est vraiment le rôle de l’anatomie en ostéopathie ? etc…

FOM :
A travers cet ouvrage, quel message voulez- vous adresser au grand public en général et aux ostéopathes en particulier ?

JMG:
Il me semble que limiter la recherche sur l’ostéopathie à des études statistiques sur l’efficacité de telle ou telle pratique est terriblement réducteur et risque de faire passer à côté de la spécificité de l’ostéopathie. Je suis convaincu que ce n’est pas seulement pour une efficacité que l’on vous consulte, mais pour un mode de relation thérapeutique qui n’existe pas ailleurs. Il est urgent de développer la recherche et la réflexion dans des domaines plus variés, et d’aider les ostéopathes à acquérir les compétences philosophiques qui leur permettront de communiquer avec plus de rigueur, non seulement dans la société, mais même entre eux. Mon livre ne fait qu’ouvrir des chantiers…

Jean-Marie GUEULLETTE, Docteur en médecine et en théologie, est également titulaire de l’Habilitation à diriger des recherches (HDR) en histoire moderne. Professeur à l’Université Catholique de Lyon, il y dirige le Centre Interdisciplinaire d’Ethique, une équipe qui s’est engagée depuis quatre dans une recherche sur les questions posées par le développement des médecines complémentaires. C’est dans ce cadre qu’il poursuit des recherches historiques et philosophiques sur l’ostéopathie.

 Il participera au Colloque organisé par le Registre: Ostéopathie : médecine du XXIe siècle - Évaluation et expérimentation : à la recherche de notre pratique, le samedi 5 juillet 2014.